L’association la Cloche souhaite lutter contre les préjugés face aux sans-abris. Ses deux cents soixantes bénévoles se sont donnés pour mot d’ordre le lien social et prônent l’inclusivité envers les personnes sans domicile fixe. Nous sommes allés à la rencontre de l’équipe de l’antenne des Hauts-de-France.
C’est en 2014, après de nombreux voyages humanitaires à l’étranger que Louis-Xavier Leca se rend compte qu’il suffit de descendre en bas de chez soi pour y trouver la misère. Consterné par le nombre de sans-abris dans les rues de Paris, le jeune homme décide de monter une association pour leur venir en aide. Contrairement aux nombreux groupes caritatifs déjà existants, Louis-Xavier choisit de mener son action sur un plan humain et social et non pas matériel ou alimentaire. Ainsi se développe les deux actions phares de l’association : les Carillons et les Clochettes.
D’abord implantée à Paris, la Cloche fait vite son petit bout de chemin… En juillet 2022, la voilà implantée dans neuf grandes villes de France telles que Lille, Marseille, Lyon ou plus récemment Toulouse. Leurs actions sont par ailleurs proposées dans plus de 32 villes.
Cloches, Clochettes et Carillons, à quoi rime tout ce tintamarre ?
D’après Amandine, responsable de la branche des Hauts-de-France, « les antennes de la Cloche se développent à partir du Carillon ». Cette initiative est le point d’ancrage de toutes les actions.
Le Carillon met en réseau des commerçants et des citoyens avec et sans habitat. Les professionnels proposent soit des services gratuits comme recharger son téléphone ou aller aux toilettes, soit des services nécessitant une rémunération. A l’image des « cafés suspendus », un client peut choisir de payer un café en plus du sien qui sera offert à la première personne qui en fera la demande sous forme de bon. Les services proposés par les établissements sont indiqués par des émoticônes sur les vitres des cafés, coiffeurs et autres restaurants du réseau de la Cloche. Les symboles à fond bleu indique les services gratuits et ceux à fond blanc les services pré-payés par un tiers.
Tous les lundis soirs, les bénévoles de la Cloche de Lille réalisent des maraudes pour distribuer les guides répertoriant les établissements du Carillon. « Le cœur du métier c’est d’aller au contact des personnes de la rue et créer du lien », dévoile Amandine. Les commerçants du réseau jouent un rôle d’entremetteur au sein de l’association, ce sont eux qui guident et indiquent les clients et les demandeurs.
Si le Carillon a une visée sectorisée et ponctuelle, le deuxième événement fort de la Cloche, les Clochettes, permet de rassembler régulièrement un plus large public. Les Clochettes, développées à un niveau national, désigne les activités sociales et solidaires de l’association. Ateliers cuisine, petits déjeuners ou encore soupes « impopulaires » (dans lesquelles les rôles s’inversent donnant la possibilité aux plus démunis d’offrir aux autres)… Une myriade de loisirs sont proposés à des bénévoles avec et sans habitat. Toutes les activités alimentaires sont réalisées en collaboration avec Biocoop et l’île de la Solidarité. La Cloche récupère les invendus du magasins pour cuisiner puis recycle à son tour en laissant à l’association lilloise les denrées qu’elle n’a pas utilisées.
Ces initiatives ont deux rôles. Dans un premier temps, celui de permettre aux néophytes de changer leur regard sur les sans-abris en apprenant à mieux les connaître. Jean-François, un bénévole qui a passé plus de dix ans dans la rue, témoigne : « Quand on est allés au Main Square à Arras, quelqu’un m’a dit : “Oui mais les sous c’est que pour picoler, la dernière fois j’ai vu un sdf qui était dehors avec une canette.” Il la boit dehors mais vous voulez qu’il la boive où si c’est pas dehors ? Il n’a pas de maison… Même s’il n’en boit qu’une, il sera considéré comme un ivrogne. C’est ça le regard que je veux changer. »
Dans un second temps, le but est de donner aux personnes dans la rue l’occasion de se sentir utiles et écoutées. Et, comme l’explique Jean-François, ce sentiment d’utilité perdure même après l’acquisition d’un logement : « Maintenant, c’est pour ça que je fais du bénévolat avec l’association. Parce que ça m’aide, ça me remplit ma journée et ma semaine. C’est grâce à des personnes comme ça que j’avance. »
Sensibilisation, besoin et projets
Au-delà de ces deux actions fondamentales, les bénévoles de l’association réalisent aussi des stages de prévention. Ceux-ci complètent les actions précédentes et accentuent le double impact de l’association. En effet, la Cloche a deux objectifs complétaires : celui d’aider socialement les sans-abris mais aussi celui de changer le regard des habitants sur la précarité de la rue.
Ces stages de sensibilisation se réalisent notamment au sein des grandes surfaces partenaires et des entreprises privées qui financent l’association. Apprendre à accueillir un sans-abri qui vient faire ses courses au Monoprix ou savoir renseigner une personne de la rue à La Poste sans la prendre de haut, sans en avoir peur, voici les quelques règles de bienséance qu’il faut souvent répéter nous explique Sarah, animatrice coordinatrice de l’association. « Les sans-abris sont des personnes comme les autres, s’ils te vouvoient tu les vouvoient, s’ils te tutoient, tu tutoies », ajoute Jean-François.
Comme le précise Sarah, que ce soit une discussion amicale, de l’argent ou à manger, l’important c’est de vouloir bien faire : « Chacun agit à son échelle et comme il peut, s’il y a l’envie c’est déjà pas mal ». Elle conseille néanmoins aux habitants de se rapprocher d’associations : « Cela permet de pouvoir échanger avec quelqu’un et pas de se retrouver seul face à ses questionnements ».
Inciter la population à montrer un respect humain et citoyen à tout un chacun quelque soit sa condition et sa précarité, voilà le combat quotidien qui anime l’équipe de la Cloche.
Si l’association est composée de bénévoles avec et sans domicile, « c’est plus difficile pour nous d’avoir des gens avec domicile disponibles en journée ou en début de soirée que des personnes sans domicile », explique la responsable de l’antenne Hauts-de-France. En effet, la Cloche ne possède qu’une quinzaine de bénévoles actifs sur Lille. Les membres ne souhaitent pas que le bénévolat soit imposé. Comme l’assure Amandine : « Ça se fait au fur et à mesure selon qui a envie de faire quoi, ce n’est pas du tout normé. Si tu ne vas pas à tous les événements ce n’est pas grave ». Elle enchaîne : « On est ouvert à avoir des bénévoles de tous horizons ».
Dès septembre, l’association aimerait s’étendre sur Roubaix puis, à l’avenir, sur les Hauts-de-France avec « Valenciennes et Arras comme première intention », développe la responsable. Cela se ferait directement via le groupe caritatif ou par des franchises. Ainsi, la Cloche pourrait accompagner une association qui prendrait part au projet du Carillon et développerait le réseau dans d’autres villes.
Avant la rentrée, deux offres de services civique seront mises en ligne pour compléter l’équipe. Les jeunes sélectionnés s’occuperont du développement du Carillon, de la gestion des commerçants ainsi que de la création de liens entre les sans-abris et les habitants.
Crédit interview : Amandine Watry, Sarah Turon-Lagot, Amandine Carpentier et Jean-François, par Axelle Dusart, Orianne Gendreau et Lesly Cousin
Crédit rédaction : Axelle Dusart et Orianne Gendreau