L’association Toit à Moi loge des sans-abris de toute la France métropolitaine. En plus de leur fournir un domicile, elle les accompagne dans leur projet de vie. La destination finale ? L’autonomie et la réinsertion. Zoom sur l’antenne des Hauts-de-France.
L’aventure Toit à Moi commence en 2007. Denis Castin et Gwenaël Morvan s’associent alors pour créer une association qui proposera un concept nouveau : l’achat d’appartements pour loger et accompagner les personnes en situation de précarité vers leur réinsertion. Aujourd’hui, Toit à Moi est implantée dans douze villes différentes et possède 50 appartements dans toute la France dont trois à Lille.
C’est en mai 2020 que Gaëlle décide de prendre en charge l’ouverture d’une antenne dans les Hauts-de-France. Après avoir repris ses études et obtenu un diplôme en management et administration des entreprises, elle fait le choix de mener son projet d’entrepreneuriat dans le social. En dialogue avec Denis Castin, ils conviennent de faire une franchise sociale qui se démarquera des autres antennes. Au lieu d’être coordonnée entièrement par le siège à Nantes, l’antenne de Lille a donc la particularité d’être complètement autonome sur la partie accompagnement. Ainsi, elle est aidée de fondations et d’entreprises de la région en plus des dons de particuliers.
Loger les sans-abris, mais pas que…
« Sortir de l’image de la personne sans abris qui vient dans un foyer pour se réinsérer », voilà l’un des principaux objectifs de Toit à Moi selon Gaëlle, responsable de l’antenne Hauts-de-France. Les appartements individuels proposés par l’association sont des lieux où le bénéficiaire peut s’approprier l’espace. Ainsi, il se réinsère plus facilement et sans être stigmatisé. Comme le précise la responsable développement, « les sans-abris peuvent être votre voisin ou le mien, on ne le saura pas ». Et, le temps d’accueil n’est pas défini à l’avance. Toit à Moi propose un bail de location précaire et un contrat d’accompagnement signé pour une période de six mois, renouvelable autant de fois que nécessaire. « L’idée c’est qu’on puisse aider la personne à gérer son budget progressivement », déclare-t-elle. En effet, le bail de location précaire s’adapte aux revenus du locataire. Par exemple, une personne qui touche le RSA paiera un loyer à raison d’un euro par jour.
La deuxième étape du processus, après le logement, c’est le suivi par un travailleur social. Celui-ci gère l’accompagnement des personnes logées. Il définit avec elles leur projet de vie et les guide dans toutes les étapes à franchir pour réaliser leurs objectifs. Cela peut être trouver un emploi, régler un problème administratif, judiciaire ou encore familial… « En fait, on apprend à la personne à aller chercher l’aide dont elle a besoin », conclut Gaëlle.
Enfin, la tâche du travailleur social est complétée par la mission des bénévoles. Ceux-ci recréent du lien social avec le bénéficiaire qui peut être isolé ou mal entouré : « Le but c’est vraiment de recréer une relation qu’ils ont perdu ou n’ont jamais connue », commente Edwige, bénévole dans l’antenne des Hauts-de-France depuis janvier 2021. Ils sont présents pour fêter les anniversaires, boire un café, faire une sortie au musée, etc. Johann, 27 ans, et Gilbert, 62 ans, sont deux bénéficiaires qui se sont tout de suite bien entendus malgré leur différence d’âge. Johann raconte : « On est allés faire une grande roue un jour avec les bénévoles et Gilbert. Il vient du Congo, il avait froid et moi j’avais peur parce que j’ai le vertige, c’était mémorable ! » Il insiste sur les bienfaits des activités proposées par l’association : « Personnellement ça me fait du bien parce que je vois d’autres personnes. Je revis un peu, je fais des nouvelles rencontres… » Quand un des bénéficiaires a été hospitalisé, les bénévoles se sont relayés pour venir le voir. Gaëlle déclare : « Le rôle des bénévoles c’est aussi ça en fait : pouvoir être à côté des personnes et les accompagner dans les moments difficiles. »
Prouver que l’on peut aider à son échelle…
Pour financer ce beau projet, le calcul est précis : cent personnes qui donnent vingt euros par mois pendant cinq ans pour permettre de rembourser l’emprunt d’un appartement. Bien sûr ce calcul est strictement factuel et, comme le précise Gaëlle, il n’y a aucune obligation d’engagement. Les cents personnes citées ne sont pas les mêmes pendant cinq ans et certains donateurs donnent bien plus ou bien moins. De plus, les donateurs sont les parrains et marraines de l’association mais celle-ci ne repose pas que sur leurs dons.
La responsable de l’antenne des Hauts-de-France insiste : « tout le monde peut agir pour l’association quel que soit son budget ou le temps qu’il a à consacrer ». Ainsi, les personnes disposant des revenus suffisants mais de peu de temps libre deviennent parrains et marraines, à l’inverse ceux ayant moins de budget mais plus de temps s’engagent en bénévoles. Les grosses entreprises partenaires peuvent aider au financement et même les petits artisans volontaires, en offrant leurs expertises, aident au fonctionnement de l’association. Bien sûr, à l’instar de Edwige, certains bénévoles sont aussi parrains et marraines. Ils consacrent une partie de leur temps aux activités proposées et versent une somme mensuelle à l’association.
Par ce fonctionnement, l’association a déjà acheté une cinquantaine de maisons sur toute la France en seulement quinze ans et chaque année ce chiffre augmente de quatre ou cinq maisons. Seulement, face au près de 300 000 sdf en France recensés par la fondation Abbé Pierre, l‘association doit faire un choix, comment se passent les critères de sélection ?
… S’adapter à chaque histoire de vie
Gaëlle est catégorique : il n’y a pas de maraudes. « Je ne dispose que de trois logements, je ne peux pas me permettre d’aller à la rencontre de sans-abris pour leur promettre peut-être un logement dans deux ans, ce n’est pas humain ». A la place, la responsable se tourne vers des associations partenaires telles que la Sauvegarde du Nord, Magdala ou encore la Cloche. Lorsque Toit à Moi annonce avoir un logement à pourvoir, chaque association lui propose une ou deux personnes qu’elle suit et qui pourraient correspondre aux critères de l’association. Les critères sont les suivants : la personne en précarité doit être un minimum autonome dans un logement et présenter une réelle motivation.
Une fois tous les potentiels bénéficiaires présentés, trois sont présélectionnés et rencontrent un binôme de responsable d’action (chargée de l’accompagnement social). Un comité est composé d’une personne du siège, d’une personne de l’antenne de la ville concernée, d’un ou d’une bénévole et d’une personne de l’association partenaire. Enfin, une personne tierce est convoquée pour ne pas créer un « entre-soi » et avoir un point de vue et des conseils extérieurs. L’échange permet de comprendre les motivations et les objectifs de chaque candidat. Le rôle de ce comité n’est pas de juger si telle personne est plus méritante qu’une autre mais plus de s’assurer que, comme le dit Edwige, l’aide demandée fait bien partie du « champ d’action de Toit À Moi ».
Si un candidat n’est pas retenu, l’association qui l’a proposé prend souvent le relais pour le lui annoncer de façon douce en lui proposant d’autres solutions. Toutes les actions sont réalisées dans l’espoir de préserver chaque personne ayant croisé la route de Toit à Moi.
Toit à Moi ne crée pas des liens qui ne sont qu’éphémères le temps de la réinsertion. Souvent, après avoir retrouvé un logement et une vie plus stable, les anciens bénéficiaires deviennent bénévoles ou parrains et marraines. Et, comme le souhaite Johann, ils tendent à leur tour la main comme on la leur a tendue quelques années plus tôt.
Crédit interview : Gaëlle Vandenbroucke, Johann et Edwige Jonvel, par Axelle Dusart, Orianne Gendreau et Lesly Cousin
Crédit rédaction : Axelle Dusart et Orianne Gendreau